Osservatorio delle libertà ed istituzioni religiose

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Osservatorio delle Libertà ed Istituzioni Religiose

Documenti • 18 Ottobre 2004

Decisione 21 novembre 2002, n.32259/02

Corte europea dei Diritti dell’Uomo (prima sezione). Decisione sulla ricevibilità, del 21 novembre 2002, causa n. 32259/02: “IERA MONI PROFITOU ILIOU THIRAS c. Grèce” (Monastero di Thira c. Grecia: Installazione di antenne nei pressi del monastero. Lamentata violazione degli artt. 2,6§1,8,9,13, della C.E.D.U. e 1 del Prot. n. 1).

Cour européenne des Droits de l’Homme (première section)
DÉCISION PARTIELLE SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 32259/02

présentée par IERA MONI PROFITOU ILIOU THIRAS

contre la Grèce

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 21 novembre 2002 en une chambre composée de
Mme F. TULKENS, présidente,
M. C.L. ROZAKIS,
M. G. BONELLO,
M. E. LEVITS,
Mme S. BOTOUCHAROVA,
M. A. KOVLER,
M. V. ZAGREBELSKY, juges,
et de M. S. NIELSEN, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 19 août 2002,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante, la Iera Moni Profitou Iliou Thiras, est un monastère établi dans l’île de Thira et représenté par le président du conseil monastique, M. D. Gavalas. ll est représentée devant la Cour par Me I. Anapliotou-Vazaiou, avocate à Athènes.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.

1. Genèse de l’affaire et recours devant le tribunal de paix de Thira

La Iera Moni Profitou Iliou Thiras fut fondée en 1711. Elle allègue que le dernier moine la quitta en 1983, en raison de l’installation de deux énormes antennes de l’Organisme des Télécommunications de Grèce (“OTE”) et de la Radiophonie et Télévision Grecque (“ERT”). Ces antennes furent en fait installées en 1971, lors du régime dictatorial en Grèce. Pendant la même période, l’armée installa aussi un radar, à 50 mètres du monastère, dans l’espace vital pour celui-ci comme il l’indique, pour les besoins de l’OTAN. Déjà en 1953, l’OTE avait installé une antenne à l’extérieur de l’enceinte du monastère et avait conclu un contrat de location avec le monastère pour la période 1954-1974.
Le contrat de location fut renouvelé à plusieurs reprises jusqu’au 1978. Toutefois, comme le monastère refusa de prolonger le contrat, le préfet des Cyclades décida, le 1er juin 1977, d’exproprier les terrains qui étaient loués. Le monastère obtint cependant la révocation de l’expropriation pour un espace de 45 m² qu’il qualifie de sanctuaire du monastère.
En novembre 1997, il fut décidé d’introniser un nouveau moine venu du Mont Athos, en dépit du fait qu’entre-temps dix sociétés privées de téléphonie avaient installé des antennes.
Vers la fin de l’année 2001, toutes les antennes des sociétés privées furent enlevées, en exécution d’une décision du ministre des Transports et des Télécommunications du 10 février 2000. Toutefois, les antennes de l’OTE et de l’ERT furent maintenues.
L’étendue de la propriété du monastère fut fixée par un firman turc de 1729, puis par le décret du 9 décembre 1933.
Afin de faire enlever les antennes et les transférer ailleurs, le monastère acquit le 9 août 2001 un terrain jugé approprié pour l’installation des antennes et le céda gratuitement à l’Etat.
Dès la première année du re-fonctionnement du monastère, celui-ci commanda une série d’expertises effectuées par la Commission grecque de l’énergie atomique et l’Ecole polytechnique, afin de prouver la dangerosité des antennes (expertises des 12 mars 1999, 3 avril 1999, 18 mai 1999, 19 mai 1999, 28 juin 2001 et 5 octobre 2001) ; par la première, la Commission grecque de l’énergie atomique concluait qu’à certains endroits du monastère, les ondes électromagnétiques dépassaient les limites de sécurité pour l’exposition du public, telles que fixées par l’Union européenne. De plus, il examina tous les contrats conclus avant le re fonctionnement et découvrit qu’ils souffraient tous de nullité. Il saisit alors le tribunal de paix de Thira de plusieurs actions, dont seule celle dirigée contre l’OTE fut examinée, car les autres sociétés obtinrent un règlement amiable pour l’éloignement des antennes.
En ce qui concerne le radar, le monastère soutient que selon des informations dont il dispose, ce radar ne sert plus aujourd’hui à la défense nationale, mais aux télécommunications commerciales. Pour l’éloignement de ce radar, le monastère affirme qu’il est en contact avec les services concernés, mais n’introduisit aucun recours, car l’ordre juridique grec n’offre pas de recours efficace.
Craignant aussi la chute des foudres, en raison de l’installation des paratonnerres par l’OTE, le monastère saisit le tribunal de paix de Thira. Le tribunal ordonna une expertise qui fut déposée le 14 janvier 2002.
Le 26 juillet 2000, le tribunal de paix de Thira reconnut la propriété du monastère sur le terrain de 45 m², ordonna l’arrêt temporaire d’une partie de l’antenne et interdit à l’OTE de procéder à des actes qui perturberaient la possession du monastère sur ce terrain.
Le 31 juillet 2000, le tribunal de paix de Thira interdit à l’ERT de perturber la possession du monastère sur un terrain avoisinant le monastère et que celui-ci avait loué à l’ERT dans le passé.
Enfin, une action en dommages-intérêts contre l’OTE est encore pendante devant le tribunal de grande instance d’Athènes.

2. Les procédures devant le Conseil d’Etat

Le 3 août 1999, le ministre des Transports et des Télécommunications, répondant à une demande du monastère visant l’éloignement des antennes, souligna que l’endroit où étaient installées les antennes était le plus appropriée dans la région de la mer Egée du sud et que le coût d’un transfert serait particulièrement élevé.
Toutefois, le 18 novembre 1999, le même ministre décida que les antennes devaient être déplacées et invita l’OTE de soumettre un calendrier pour les travaux. Par une autre décision du 16 février 2000, le ministre informa l’OTE que les fréquences qui lui étaient accordées pour le fonctionnement des antennes ne seraient plus valides à compter du 31 décembre 2000 et que si l’OTE n’avait pas pris les mesures nécessaires pour leur éloignement, il serait en état d’illégalité. Le 10 février 2000, le ministre avait adressée une lettre similaire à l’ERT.
Le 14 octobre 1999, l’OTE et l’ERT introduisirent une action en annulation contre ces décisions devant le Conseil d’Etat. Le monastère requérant intervint dans la procédure. Il invoquait l’article 24 (droit à la protection de l’environnement), l’article 13 (liberté religieuse), l’article 17 (droit de la propriété) et l’article 21 (droit à la protection de la santé) de la Constitution. Il soulignait que des objets et des livres d’une valeur inestimable étaient déposés au monastère, que celui-ci était qualifié de monument historique qui devait être protégé dans un rayon de 500 mètres.
Par deux arrêts no 3381/2001 et 3382/2001 du 2 octobre 2001 (dont les requérants eurent connaissance fin février 2002), le Conseil d’Etat jugea que la décision du ministre trouvait une base légale sur le risque de perturbation de l’environnement et de la santé, que la prestation des services des télécommunications par l’OTE ne rendait pas tolérable le dépassement des limites de sécurité quant à l’exposition du public aux ondes électromagnétiques et ne pouvait pas méconnaître la nécessité de la protection du monastère en tant que monument historique. Le Conseil d’Etat constata qu’il y avait cependant une solution alternative afin que les habitants des Cyclades et de la Crète puissent bénéficier des services de l’OTE.
Toutefois, par l’arrêt 3381/2001, le Conseil d’Etat annula la décision attaquée au seul motif qu’elle ne mentionnait pas les raisons pour lesquelles elle accordait un délai de dix mois à l’OTE pour enlever les antennes et non de deux ans comme ce dernier l’avait sollicité. Le Conseil d’Etat rejeta tous les autres moyens de l’OTE. Il renvoya l’affaire à l’administration afin que celle-ci fixe un nouveau délai et prenne entre-temps toutes les mesures nécessaires pour limiter les ondes émises par les antennes à un niveau qui préserverait la santé des moines et des visiteurs.
Par l’arrêt 3382/2001, le Conseil d’Etat rejeta l’action dans sa totalité car l’ERT n’avait pas soulevé de moyen relatif au délai.
Le monastère affirme que l’administration n’a pris encore aucune mesure pour se conformer à l’arrêt du Conseil d’Etat, en dépit de nombreuses demandes du monastère. Outre les demandes au premier ministre et aux ministres compétents, le monastère s’adressa à la Commission nationale des télécommunications et des postes, qui fixa, le 30 juillet 2002, un délai de quatorze mois à l’OTE pour enlever les antennes. Le monastère saisit aussi le Conseil national de radiophonie en ce qui concerne l’ERT, mais celui-ci se déclara incompétent.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 2 de la Convention, le monastère requérant se plaint d’une atteinte à la vie des moines qui résident dans le monastère, du fait des émissions d’ondes provenant des installations des entreprises publiques.

2. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, le monastère requérant se plaint d’être privé de sa propriété tant par les émissions des antennes que par les occupations illégales des terrains appartenant au monastère par les entreprises publiques.

3. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le monastère requérant se plaint du refus des autorités de se conformer aux décisions judiciaires.

4. Invoquant l’article 8 de la Convention, le monastère requérant se plaint d’une atteinte à la vie privée des moines qui y résident et de ceux qui y travaillent, du fait de l’occupation d’une partie du monastère et des émissions.

5. Invoquant l’article 9 de la Convention, le monastère requérant se plaint d’une atteinte à la liberté de culte et plus précisément du fait que les antennes soient installées dans l’espace vital du monastère.

6. Invoquant l’article 13 de la Convention, le monastère requérant se plaint de l’inexistence en droit grec d’une recours lui permettant d’invoquer la violation de l’article 2 de la Convention, ainsi que de solliciter l’éloignement du radar.

EN DROIT

1. Le monastère requérant allègue une violation des articles 2, 8, 9 13 de la Convention et 1 du Protocole no 1, en raison de l’installation et du fonctionnement des antennes de l’OTE et de l’ERT dans les environs immédiats du monastère.
La Cour rappelle que l’article 35 § 1 n’exige pas seulement la saisine des juridictions nationales compétentes et l’exercice de recours destinés à combattre une décision déjà rendue ; il oblige aussi, en principe, à soulever devant ces mêmes juridictions, au moins en substance et dans les formes et délais prescrits par le droit interne, les griefs que l’on entend formuler par la suite à Strasbourg (Cardot c. France, arrêt du 19 mars 1991, série A no 200, p. 18, § 34).
En ce qui concerne le grief tiré de l’article 8, la Cour note que le monastère requérant ne l’a pas invoqué devant le Conseil d’Etat. Quant à celui tiré de l’article 1 du Protocole no 1, la Cour note qu’excepté quelques procédures devant le tribunal de paix de Thira concernant la possession paisible de certains terrains, le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes à cet égard. Il s’ensuit que ces griefs doivent être rejetés pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
Quant au grief tiré de l’article 9, la Cour estime qu’il n’y a pas ingérence des autorités publiques dans le droit garanti par cette disposition. Elle note que le monastère fonctionnait pendant une longue période en dépit de la présence des antennes et, qu’en 1979, il a renouvelé le contrat de location des terrains où étaient installées ces antennes. Il s’ensuit que ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Au sujet de l’article 2, la Cour note que certaines expertises effectuées par la Commission grecque de l’énergie atomique et l’Ecole polytechnique concluaient qu’à certains endroits à l’intérieur du monastère, le seuil de sécurité fixé par l’Union européenne pour la protection du public par les ondes électromagnétiques était dépassé. Elle note aussi que les autorités administratives reconnurent le danger que représentait pour la santé des moines la présence de ces antennes et ordonnèrent leur déplacement dans un délai spécifique. De plus, le Conseil d’Etat, saisi par ces organismes qui souhaitaient obtenir l’annulation des décisions leur enjoignant de quitter les lieux, rejeta les recours et renvoya l’affaire à l’administration afin de fixer un calendrier pour l’éloignement des antennes. La Cour note que l’essence du grief du monastère requérant concerne le refus ou le retard pris par l’administration de se conformer à l’arrêt du Conseil d’Etat, question qui relève plutôt de l’article 6 § 1 de la Convention. Dans ces conditions, la Cour estime que le requérant ne peut pas se prétendre victime d’une violation de l’article 2 de la Convention. Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
Enfin, en ce qui concerne l’article 13, la Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle le droit garanti par cet article ne peut être exercé que pour un grief défendable au sens de la jurisprudence de la Cour. Or, la Cour ayant estimé que le requérant ne pouvait se prétendre victime d’une violation de l’article 2, il s’ensuit qu’il ne lui a pas soumis un grief défendable au sens de la jurisprudence, de sorte que cette partie de la requête doit également être rejetée pour défaut manifeste de fondement en application de l’article 35 §§ 3 et 4.

2. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le monastère requérant se plaint du refus des autorités de se conformer aux décisions judiciaires. L’article 6 § 1 qui, dans sa partie pertinente, se lit ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…), qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief du monastère requérant tiré de l’article 6 § 1 de la Convention ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Søren NIELSEN, Greffier adjoint
Françoise TULKENS, Présidente