Osservatorio delle libertà ed istituzioni religiose

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Osservatorio delle Libertà ed Istituzioni Religiose

Documenti • 10 Marzo 2004

Sentenza 20 ottobre 1994, n.C.93.0238.F.

Cour de Cassation Belgique. Sentenza 20 ottobre 1994, n. C.93.0238.F. Eveque de Tournai c. Boniface.

(Prés. Rappe)

La Cour,

Ouï Monsieur le conseiller Rappe en son rapport et sur les conclusions de Monsieur Janssens de Bisthoven, avocat général;

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 7 janvier 1993 par la cour d’appel de Mons;

Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 92 et 93 (anciens) de la Constitution,

en ce que la cour d’appel s’est reconnue compétente pour statuer sur l’action du défendeur tendant à "dire pour droit que la décision prise par (le demandeur), consignée dans la lettre (à) lui adressée le 17 novembre 1990, n’est pas régulièrement priseî, au motif que "la contestation litigieuse a pour objet un droit civilî de sorte qu’en vertu de l’article 92 (ancien) de la Constitution, elle est exclusivement du ressort des tribunaux,

alors que l’action qui tend, non pas au paiement de traitements ou de leur équivalent, mais à faire dire pour droit que la décision du demandeur de retirer au défendeur "toute juridiction dans le diocèse de Tournai n’est pas régulièrement priseî, n’introduit pas une contestation relative à des droits civils (article 92 ancien de la Constitution) ou à des droits politiques (article 93 ancien de la Constitution); qu’en effet, un ministre du culte n’a aucun droit civil, ni même politique, à l’exercice d’une juridiction ecclésiastique ou charge pastorale de sorte qu’une contestation à propos de la procédure suivie pour sa révocation, cette dernière entraînerait-elle même la privation du droit aux traitements, n’est pas un litige sur des droits civils ou politiques, au sens des articles 92 et 93 (anciens) de la Constitution; d’oú il suit que la cour d’appel a violé ces dispositions, l’article 92 plus particulièrement, en décidant que la contestation litigieuse avait pour objet un droit civil et serait, partant, du ressort (exclusif) des tribunaux en vertu de l’article 92 (ancien) de la Constitution:

Attendu que l’arrêt constate: 1) que la demande du défendeur tend à "dire pour droit que la décision prise par (le demandeur) …, consignée dans la lettre à lui adressée le 17 novembre 1990, n’est pas régulièrement priseî; 2) que dans cette lettre le demandeur a informé le défendeur qu’il ne devait plus figurer sur les états de traitements; et 3) que depuis janvier 1991, le défendeur est privé de son traitement en raison de l’acte litigieux qui émane du demandeur; qu’il releve, dès lors, que le droit du demandeur au traitement, droit civil, a été affecté par la décision litigieuse;

Qu’étant ainsi saisie d’une contestation concernant un droit civil, la cour d’appel était compétente pour en connaître en vertu de l’article 144 de la Constitution;

Que le moyen ne peut être accueilli;

Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 14, 15, 16, 92 et 93 (anciens) de la Constitution, 584, alinéa premier, du Code judiciaire,

en ce que, bien qu’il ait reconnu que le demandeur avait seul "compétence pour retirer au défendeur la juridiction et la charge pastorale qu’il lui avait confiéesî, l’arrêt a néanmoins jugé que la décision prise par le demandeur de démettre le défendeur de ses missions ecclésiastiques "ne saurait avoir d’effet à compter du 17 novembre 1990î, aux motifs qu’en révoquant le défendeur sans l’entendre, le demandeur n’a pas respecté les droits de la défense et le principe du contradictoire et qu’il aurait ce faisant commis une voie de fait: que la demande, qui tend à faire cesser les effets d’une voie du fait, peut être introduite devant le juge des référés, en dehors même de toute instance au fond… que l’urgence à statuer résulte de la situation actuelle (du défendeur) qui, depuis janvier 1991, est privé de son traitement en raison de l’acte litigieux qui émane de l’Evêque de Tournai (ici demandeur)î,

alors que la mission du juge des référés est celle d’un juge qui, vu l’urgence, peut exercer provisoirement les charges du juge du fond; qu’il ne peut dès lors allouer davantage que celui-ci pourrait accorder et alors que, comme l’a lui-même reconnu implicitement l’arrêt, le tribunal de première instance et la cour d’appel statuant au fond sont sans pouvoir, étant donné l’autorité exclusive de l’Evêque et la séparation de l’Etat et de l’Eglise, pour annuler ou contrôler les effets de la décision du demandeur de retirer au défendeur sa juridiction et sa charge pastorale; que, ainsi qu’il vient d’être dit, le juge des référés ne le peut pas davantage; qu’il s’ensuit qu’en disant que, parce que la décision du demandeur de retirer au défendeur toute juridiction dans le diocèse de Tournai serait "une voie de faitî, le juge des référés est compétent pour faire cesser ses effets et en déclarant par conséquent que cette décision "ne saurait avoir d’effet qu’à compter du 17 novembre 1990î, la cour d’appel est sortie des limites de la compétence du juge des référés et a, par conséquent, violé l’article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire sur la compétence du juge des référés et parallèlement, les articles 14 à 16 (anciens) de la Constitution sur la séparation de l’Etat et de l’Eglise et 92 et 93 (anciens) qui limitent aux droits civils et politiques la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire:

En tant que le moyen invoque la violation des articles 14, 15, 16, 92 et 93 (anciens) de la Constitution:

Attendu que le moyen repose sur l’affirmation que les tribunaux de l’Ordre judiciaire n’étaient, en l’occurrence, pas compétents;

Attendu que le rejet du premier moyen qui contient le même grief, entraîne le rejet, à cet égard, du deuxième moyen;

En tant que le moyen invoque la violation de l’article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire:

Attendu que l’arrêt considère que "la demande qui tend à faire cesser les effets d’une voie de fait, peut être introduite devant le juge des référés, en dehors meme de toute instance au fondî; qu’il relève que "l’urgence à statuer résulte de la situation actuelle (du défendeur) qui, depuis janvier 1991, est privé de tout traitement en raison de l’acte litigieux qui émane (du demandeur)î;

Que, par ces considérations, l’arrêt justifie légalement sa décision sur la compétence du juge des référés;

Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 14, 15 et 16 (anciens) de la Constitution,

en ce que l’arrêt "dit pour droit que la décision de l’Evêque de Tournai … (ici demandeur) … de retirer à C… C… B… (ici défendeur), toute juridiction dans le diocèse de Tournai, constitue une voie de faitî et que cette voie de fait ne saurait avoir effet à compter du 17 novembre 1990, aux motifs que "le juge saisi d’une contestation portant sur des droits civils ou politiques ou d’une poursuite pénale, a le pouvoir de rechercher si l’auteur d’un acte relatif à l’administration ou à l’organisation d’un culte avait, d’après les statuts et règlements de ce culte, compétence pour accomplir l’acte, lorsqu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement; … que les termes de la lettre du 17 novembre 1990 de l’Evêque, montrent que la révocation litigieuse est une mesure disciplinaire qui sanctionne "certaines faons d’agir" de C… C… B… de sorte qu’elle ne pouvait être prise qu’au terme d’une procédure équitable; que tel ne fut pas le cas en l’occurrence; qu’en effet, il n’apparaît d’aucune pièce du dossier que (le défendeur) ait pu faire entendre sa cause équitablement à propos des faits dont il est question dans la lettre du 17 novembre 1990; que contrairement à ce que soutient l’Evêque de Tournai, le père B… ne disposait d’aucun recours contre la décision litigieuse, ni sur la base du canon 1718, ni sur celle des canons 1732 à 1739; … qu’au demeurant, à supposer même qu’un recours existait dans l’organisation interne de l’Eglise, force est de constater qu’à défaut de texte précis qui en prévoyait les formes, la lettre de B… du 18 décembre 1990 citée supra pouvait être interprétée comme la manifestation de sa volonté d’exercer un recours; que pourtant, aucune suite n’a été donnée à cette lettre; qu’il se déduit de l’ensemble des faits de la cause que la décision de l’Evêque de Tournai, consignée dans sa lettre du 17 novembre 1990, est une voie de fait dont il échet de faire cesser immédiatement tous les effetsî,

alors que le principe de la séparation de l’Etat et de l’Eglise est consacré notamment par l’article 16 (ancien) de la Constitution qui prévoit que "l’Etat n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconqueî; que cette règle de l’indépendance des cultes a pour conséquence: 1º que la nomination et la révocation des ministres du culte, quels qu’ils soient, ne peuvent avoir lieu que par l’autorité religieuse, conformément aux règles usitées dans chaque religion; 2º que la discipline et la juridiction ecclésiastiques ne peuvent s’exercer sur les ministres du culte que par la même autorité et conformément aux mêmes règles; que pas plus que le gouvernement, un tribunal ne peut s’immiscer dans les questions que soulèvent la nomination et la révocation des ministres d’un culte, alors même que cette dernière s’inscrirait dans le cadre d’une poursuite disciplinaire – quod non en l’espèce -,

et alors qu’en jugeant que la décision prise par le demandeur de retirer au défendeur sa charge pastorale (cfr. la lettre du demandeur du 17 novembre 1990 reproduite dans l’arrêt) serait une voie de fait qui ne peut avoir "aucun effetî, au motif que le défendeur n’aurait pas été entendu préalablement et ne dispose d’aucun recours contre la décision du demandeur, l’arrêt s’est immiscé dans la procédure et les règles de la révocation d’un ministre du culte, méconnaissant ainsi le principe de la séparation de l’Etat et de l’Eglise ci-dessus rappelé; qu’il a, par conséquent, violé les articles 14 à 16 (anciens) de la Constitution d’oú résulte ce principe, l’article 16 (actuellement 21) plus précisément:

Attendu que l’article 21 de la Constitution prévoit que l’Etat n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque; que du principe ainsi affirmé de l’autonomie organisationnelle de chaque confession, il se déduit, d’une part, que la nomination et la révocation des ministres d’un culte ne peuvent être décidées que par l’autorité religieuse compétente, conformément aux règles du culte, et que, d’autre part, la discipline et la juridiction ecclésiastiques ne peuvent s’exercer sur ces ministres du culte que par la même autorité et conformément aux mêmes règles;

Attendu que la cour d’appel a constaté que le demandeur avait compétence pour retirer au défendeur, membre du clergé du culte catholique, "la juridiction et la charge pastorale qu’il lui avait confiéesî;

Que, compte tenu du principe de non-ingérence de l’Etat dans l’organisation interne des cultes énoncé par l’article 21 de la Constitution, la cour d’appel n’avait, dès lors, pas le pouvoir d’apprécier le caractère équitable de la procédure ayant abouti à la décision du demandeur;

Qu’en considérant que la procédure suivie n’est pas équitable et que la décision du demandeur est une voie de fait qui ne saurait avoir d’effet, la cour d’appel a violé l’article 21 de la Constitution;

Que le moyen est fondé;

PAR CES MOTIFS

Casse l’arrêt attaqué;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé;

Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;

Déclare l’arrêt commun à l’Etat belge;

Renvoie la cause davant la cour d’appel de Liège.

(omissis)